Droit du Numérique

L'achat à titre de mot clé d'une marque d'un tiers ne constitue pas en soi un acte de contrefaçon ou de concurrence déloyale

15 Octobre 2012, 09:16am

Publié par Nicolas Herzog

 

Dans la droite ligne de l’arrêt rendue par la Cour de Justice de l’Union Européenne le 23 mars 2010, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre a prononcé un jugement le 6 septembre 2012 (EUROCHALLENGES / Lina H.) dans lequel il a considéré que le seul fait d’acheter à titre de mot clé publicitaire la marque d’un tiers ne constituait ni une contrefaçon, ni un acte de concurrence déloyale.

 

Dans cette affaire, la société EUROCHALLENGES reprochait à Mme Linda H. d’avoir acheter sa marque portant sa dénomination sociale à titre de mot clé publicitaire.

 

Elle considérait que ces agissements étaient constitutifs non seulement d’une contrefaçon de marque, mais également d’un acte de concurrence déloyale.

 

Le Tribunal pour débouter EUROCHALLENGES de ses demandes adopte le même raisonnement que celui de la CJUE, à savoir :

 

·         S’agissant de la contrefaçon de marque : elle n’est pas matérialisée car l’annonce publicitaire litigieuse permettait à l’internaute normalement informé, et raisonnablement attentif, de déterminer aisément qu’il n’existait aucun lien entre le site internet de Linda H. et la marque EUROCHALLENGES :

 

L’article L713-2 du code de la propriété intellectuelle prohibe la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, sauf autorisation de son propriétaire.

 

« S’agissant du référencement par un moteur de recherche d’un mot clé constituant également une marque, comme en l’espèce, il n’y a atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque que lorsque l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers, comme l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne.

 

En l’espèce, il résulte du procès verbal de constat sur internet établi par Maître Saragoussi, huissier de justice, que l’introduction du terme “Eurochallenges” sur le moteur de recherche Google laisse apparaître environ 40 200 réponses. Les trois premières réponses référencées renvoient au site internet www.eurochallenges.com, exploité par la société demanderesse. Le lien avec site internet de Lina H. apparaît pour sa part sur le côté, dans une rubrique intitulée “annonces”, qui se termine par l’invitation suivante de la société Google : “affichez votre annonce ici”, affichant clairement le caractère publicitaire du contenu de cette rubrique, au demeurant connu de l’internaute normalement informé. L’annonce litigieuse évoque par ailleurs des “rencontres asiatiques” avec des personnes “japonaises, chinoises vivant à Paris” et renvoie à son propre site internet. Aucune référence directe ou indirecte n’est faite à la société Eurochallenges ou à ses services, tant dans l’annonce que sur ce site internet. Compte tenu de l’affichage clair du caractère publicitaire de l’annonce de Lina H., ainsi que de l’absence de toute référence aux société et marque Eurochallenges, cette annonce permet à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de déterminer aisément qu’il n’existe aucun lien entre le site internet de la défenderesse et la marque Eurochallenges, exploitée par la société Eurochallenges.

 

Le recours au mot clé Eurochallenges ne constitue donc pas, en l’espèce, une contrefaçon de la marque éponyme. Les demandes formées au titre de la contrefaçon seront rejetées. »

 

·         S’agissant de la concurrence déloyale : Elle n’est pas plus caractérisée car l’annonce publicitaire litigieuse n’avait pour objet que de présenter une offre concurrente, clairement distincte de celle d’EUROCHALLENGES, en offrant au consommateur la possibilité de consulter le site internet de Linda H. qui ne comportait aucune référence directe ou indirecte aux activités d’EUROCHALLENGES :

 

« Le parasitisme économique se définit comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire. Il constitue une faute délictuelle susceptible d’engager la responsabilité de son auteur, en application des dispositions de l’article 1382 du code civil.

 

[…]

 

Sur le fond, il convient de rappeler que les annonces litigieuses ne créent pas de risque de confusion, pour l’internaute normalement attentif, entre la société Eurochallenges et les activités de Lina H., compte tenu de la présentation de ces annonces et pour les raisons développées au titre de la contrefaçon.

 

Ce faisant, l’utilisation comme mot clef du terme “Eurochallenges” n’a pour objet que de présenter une offre concurrente mais clairement distincte de celle de la société demanderesse, en offrant au consommateur la possibilité de consulter le site internet de la défenderesse, qui ne comporte aucune référence, directe ou indirecte, aux activités de la société Eurochallenges. Lina H. n’a donc pas indûment tiré profit des efforts et du savoir-faire de la société demanderesse, en présentant une offre qui lui est propre, ne se place pas dans le sillage de celle de la société Eurochallenges et ne laisse apparaître aucun agissement déloyal de sa part.

 

La société Eurochallenges, qui ne rapporte la preuve d’aucune faute délictuelle imputable à Lina H., sera déboutée de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire. »

 

 

 

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