Droit du Numérique

Nature juridique des agrégateurs: le débat ne fait que commencer

2 Avril 2008, 09:16am

Publié par Nicolas Herzog

 

Dans une ordonnance du 28 février 2008 le tribunal de grande instance de Nanterre a condamné la société exploitant le dictionnaire en ligne collaboratif www.dicodunet.com en qualité d’éditeur pour avoir porté atteinte à l’intimité de la vie privée d’un réalisateur.

 

Comme dans l’affaire lespipoles, dont la décision a été rendue le même jour concernant les mêmes faits litigieux, le tribunal retient que :

 

« Aux termes des pièces produites aux débats, il apparaît que le site « dicodunet.com » est constitué par la combinaison de plusieurs sources d’information, ainsi agrégées sur un même site.

 

Ces contenus sont composés de titres d’articles, accompagnés d’un chapeau introductif et sont acheminés sur le site litigieux grâce au système des flux R.S.S. (Really Simple Syndication).

 

L’internaute peut avoir accès à l’information in extenso par un lien hypertexte (en l’espèce « lire la suite ») qui le renvoie sur le site qui est à l’origine de l’information.

 

La défenderesse expose qu’elle n’aurait que la qualité d’hébergeur, au sens de l’article 6.1.2 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, en ce que l’acte d’abonnement à un flux RSS n’est pas un acte d’édition.

 

Cependant, la décision d’agencer les différentes sources, sur un thème donné, en l’espèce la rubrique « Actualités/personnalités », permet à l’internaute d’avoir un panorama général sur ledit thème, grâce aux différents flux ainsi choisis, et constitue bien un choix éditorial de la partie défenderesse. La copie du site comporte d’ailleurs des publicités dont elle tire apparemment profit.

 

L’abonnement au flux RSS litigieux, (renvoyant à gala.fr), correspond précisément à la « thématique » dénommée « actualités/personnalités ».

 

La partie défenderesse a donc bien, en s’abonnant au dit flux et en l’agençant selon une disposition précise et préétablie, la qualité d’éditeur et doit en assumer les responsabilités, à raison des informations qui figurent sur son propre site. »


Rappelons que le tribunal de grande instance de Paris a adopté dans l'affaire Fuzz.fr la même positon que celui de Nanterre en refusant de qualifier l'agrégateur d'intermédiaire technique pouvant bénéficier à ce titre du régime de responsabilité des hébergeurs au sens de l'article 6.I.2 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN). 
    

 

Les questions posées dans un précédent article intitulé « Quid de la responsabilité des agrégateurs de flux RSS ? » restent néanmoins entières :

 

  • Un agrégateur de flux RSS fait-il par nature des choix éditoriaux, et à ce titre doit toujours être qualifié d’éditeur ou peut-il être qualifié d’hébergeur lorsqu’il ne fait pas de choix éditoriaux ? ;

 

  • Quels sont les critères permettant de juger qu’un agégateur de flux RSS fait des choix éditoriaux ?

 

  • Un agrégateur de flux RSS ne pourrait-il pas être comparé, comme l’indique le rapport d'information n° 627 sur la mise en application de la LCEN déposé le 23 janvier 2008, à un kiosque à journaux qui regroupe sur ses présentoirs les magazines en fonction du centres d’intérêt des clients, et de ce fait ne saurait être qualifié d’éditeur ?

A suivre...

 

 

 

 

 

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