Droit du Numérique

Facebook & Responsabilité : Une surveillance ciblée peut être imposée à l’hébergeur

5 Mai 2020, 14:52pm

Publié par Nicolas Herzog

Par un arrêt du 3 octobre 2019, la Cour de Justice a rendu un arrêt aux termes duquel elle a jugé le droit de l’Union ne s’opposait pas à ce qu’un hébergeur tel que Facebook soit enjoint de supprimer des commentaires identiques et, sous certaines conditions, équivalents à un commentaire précédemment déclaré illicite.

 

Elle a également jugé que le droit de l’Union ne s’opposait pas non plus à ce qu’une telle injonction produise des effets à l’échelle mondiale.

 

Dans cette affaire, une députée autrichienne avait assigné Facebook en sollicitant qu’il soit ordonné au réseau social d’effacer un commentaire publié par un utilisateur portant atteinte à son honneur, ainsi que des allégations identiques et/ou de contenu équivalent.

 

Face à cette demande de suppression de tous les contenus identiques et équivalents à celui déclaré illicite, la Cour suprême autrichienne a saisi la CJUE d’une question préjudicielle en interprétation de la directive sur le commerce électronique du 8 juin 2000.

 

Selon cette directive, un hébergeur tel que Facebook n’est pas responsable des informations stockées lorsqu’il n’a pas connaissance de leur caractère illicite ou lorsqu’il agit promptement pour les retirer ou en rendre l’accès impossible dès qu’il en prend connaissance.

 

Cette exonération n’empêche toutefois pas que l’hébergeur se voie enjoindre de mettre un terme à une violation ou qu’il prévienne une violation, notamment en supprimant les informations illicites ou en rendant l’accès à ces dernières impossible.

 

En revanche, la directive interdit d’imposer à un hébergeur de surveiller, de manière générale, les informations qu’il stocke ou de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.

 

Ce régime de responsabilité des hébergeurs a été transposé dans le droit français à l’article 6.I.2 de la LCEN.

 

Par son arrêt du 3 octobre 2019, la CJUE a précisé que la directive sur le commerce électronique, qui vise à instaurer un équilibre entre les différents intérêts en jeu, ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction d’un État membre puisse enjoindre à un hébergeur de :

 

  • Supprimer les informations qu’il stocke et dont le contenu est identique à celui d’une information déclarée illicite précédemment ou de bloquer l’accès à celles-ci, quel que soit l’auteur de la demande de stockage de ces informations ;

 

  • Supprimer les informations qu’il stocke et dont le contenu est équivalent à celui d’une information déclarée illicite précédemment ou de bloquer l’accès à celles-ci, pour autant que la surveillance et la recherche des informations concernées par une telle injonction soient limitées à des informations véhiculant un message dont le contenu demeure, en substance, inchangé par rapport à celui ayant donné lieu à la déclaration d’illicéité et comportant les éléments spécifiés dans l’injonction et que les différences dans la formulation de ce contenu équivalent par rapport à celle caractérisant l’information déclarée illicite précédemment ne sont pas de nature à contraindre l’hébergeur à procéder à une appréciation autonome de ce contenu (l’hébergeur peut ainsi recourir à des techniques et à des moyens de recherche automatisés) ;

 

  • Supprimer les informations visées par l’injonction ou de bloquer l’accès à celles-ci au niveau mondial, dans le cadre du droit international pertinent dont il est du ressort des États membres de tenir compte.

 

Ainsi, le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que les juridictions imposent, sous certaines conditions, une obligation de surveillance ciblée des contenus illicites qu’ils hébergent