Droit du Numérique

Nom de domaine: marque notoire et nom commun

24 Février 2007, 10:17am

Publié par Nicolas Herzog

Nom de domaine : « l’argus de l’automobile et des locomotions » ne saurait faire valoir des droits privatifs sur le nom commun appartenant au language courant "Argus" que dans son domaine de spécialité.

Dans un arrêt du 23 janvier 2007, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Sneep, qui édite la revue intitulée "L'argus de l'automobile et des locomotions" et exploite un service télématique sous la dénomination "Argus", qui reprochait à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 19 novembre 2004 de lui avoir dénié tous droits antérieurs sur le terme "Argus" et d'avoir en conséquence rejeté toutes ses demandes visant à voir interdire aux sociétés défenderesses tout usage du nom "argus", à voir ordonner la radiation de l'enregistrement du nom de domaine
www.argus.fr et à obtenir des dommages et intérêts.

L'argumentation développée par la société Sneep devant la Cour de cassation était la suivante:

Que l’usage par une entreprise d’un signe distinctif l’identifiant auprès du public est constitutif de droit ; qu’en retenant en l’espèce que l’usage par la société Sneep de la dénomination "argus" à titre d’accès simplifié à un serveur minitel ne lui conférait aucun droit, tout en constatant qu’il lui permettait d’être identifiée par un certain public sous ce seul nom", la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;


Qu’un terme banal peut acquérir un caractère distinctif par la durée, l’importance et la notoriété de l’usage qui en est fait, et devenir ainsi un signe distinctif protégeable ; qu’en déniant en l’espèce aux sociétés Sneep et Argus interactive tous droits antérieurs sur le terme "argus", pour la seule raison que ce terme appartiendrait au langage courant et ne présenterait donc aucun caractère distinctif, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le terme "argus" n’avait pas acquis un caractère distinctif par l’usage qu’en avait fait la Sneep et la notoriété que celle-ci y avait attaché, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;

Que la notoriété d’un signe distinctif en étend la protection au delà du domaine de spécialité pour lequel il est utilisé et permet d’en faire sanctionner l’usage par un tiers, lorsqu’en l’absence même de tout risque de confusion, celui-ci cherche à tirer indûment profit de cette notoriété en se plaçant dans son sillage ou y porte atteinte ; qu’en retenant en l’espèce que l’exploitation du site incriminé sous la dénomination
www.argus.fr ne porterait pas préjudice à la Sneep, dès lors que ce site ne concernerait pas l’automobile, mais reposerait sur l’achat et la vente de matériel informatique ne concurrençant pas les activités de la Sneep et notamment son service de cotation de véhicules, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’exploitation de ce site ne tirait pas indûment profit de la notoriété attachée au signe distinctif "argus" de la Sneep ou n’y portait pas atteinte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;  

La Cour de cassation dans son arrêt du 23 janvier 2007 rejette le pourvoi en considérant que la Cour d’appel a légalement justifié sa décision en observant que :

Le site exploité sous la dénomination Argus.fr ne concerne en rien l’automobile mais l’achat et la vente de matériel informatique ;

La société Sneep exerce son activité non pas sous les noms « L’argus » ou « argus », mais sous l’expression « L’argus de l’automobile et des locomotions » son véritable nom commercial qui constitue le titre de sa publication depuis 1942 ; 

Le terme « argus » employé isolément ne sert à la Sneep qu’à un accès simplifié à un serveur minitel ; 

Le terme « argus » est passé dans le langage courant et qu’il est aussi utilisé dans d’autres domaines, tels ceux des assurances ou encore de la presse ;

 
En l’état de ces constatations, la Cour de cassation décide que la Cour d’appel a légalement justifié sa décision en considérant que les sociétés défenderesses ne s’étaient pas rendues coupables d’actes de concurrence déloyale.  
 
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