Droit du Numérique

Expertise Judiciaire & Procédure de référé : La suspension de la prescription de l’article 2239 ne bénéficie qu’à la partie ayant introduit l’instance

4 Juin 2020, 08:36am

Publié par Nicolas Herzog

Par un arrêt du 19 mars 2020 (Pourvoi n°19-13459), la Cour de cassation a jugé que la suspension de la prescription de l’article 2239 du Code civil ne bénéficiait qu’à la partie ayant introduit la procédure de référé-expertise.

 

Par un marché du 14 octobre 2009, Bouygues immobilier avait confié à la Société de travaux publics et de construction du littoral (STPL) l'exécution de travaux de voirie et réseaux divers dans la propriété de consorts Q.

 

Le 25 mars 2010, les consorts Q. se plaignant de retard dans la réalisation des travaux et de désordres, ceux-ci avaient assigné en référé-expertise Bouygues et STPCL.

 

Le technicien a déposé son rapport le 25 octobre 2011.

 

Les consorts Q. ont conclu une transaction d'indemnisation avec Bouygues, qui a assigné, le 14 décembre 2015, la société STPCL en indemnisation de ses préjudices.

 

STPCL faisait grief à l'arrêt de la Cour d’appel de l’avoir condamné à payer diverses sommes à Bouygues aux titres de la reprise des désordres et des travaux supplémentaires et de l'indemnisation d'un préjudice financier, alors que :

 

  1. La demande en justice n'interrompt le délai de prescription que si elle a été signifiée par le créancier lui-même au débiteur se prévalant de la prescription ;
  1. Lorsque le juge accueille une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, la suspension de la prescription ne joue qu'au profit de la personne qui a sollicité cette mesure.

 

En réponse, la Cour de cassation rappelle que l'article 2239 du Code civil dispose que:

 

La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.

 

Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.

 

La Cour poursuit en rappelant sa jurisprudence selon laquelle seule une initiative du créancier de l'obligation peut interrompre la prescription et que lui seul peut revendiquer l'effet interruptif de son action et en tirer profit (Com., 9 janvier 1990, pourvoi n° 88-15.354 Bull 1990 IV n° 11 ; 3e Civ., 14 février 1996, pourvoi n° 94-13.445 ; 2e Civ., 23 novembre 2017, pourvoi n° 16-13.239).

 

Elle rappelle également sa jurisprudence selon laquelle lorsque le juge accueille une demande de mesure d'instruction avant tout procès, la suspension de la prescription, qui fait, le cas échéant, suite à l'interruption de celle-ci au profit de la partie ayant sollicité la mesure en référé, tend à préserver les droits de cette partie durant le délai d'exécution de la mesure et ne joue qu'à son profit (2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 18-10.011).

 

En cet état, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel en jugeant que l'interruption, puis la suspension de la prescription quinquennale de l'action en responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur quant aux désordres révélés en l'absence de réception de l'ouvrage n'avaient pas profité à la société Bouygues dans la mesure où l'instance en référé avait été introduite par les consorts Q.