Affaire IBM / MAIF: La Cour d'appel infirme le jugement de 1ère instance qui avait condamné IBM pour dol
Par un jugement très remarqué du 14 décembre 2009 (MAIF / IBM), le Tribunal de Grande Instance de Niort avait condamné IBM à payer à la MAIF la somme de 11 millions d’euros pour dol par réticence considérant qu’IBM avait dissimulé volontairement à la MAIF des informations majeures relatives au calendrier, au périmètre et au budget du contrat.
Dans son arrêt du 25 novembre 2011, la Cour d’appel de Poitiers a intégralement infirmé le jugement de 1ère instance en jugeant qu’IBM n’avait ni commis de dol, ni commis de fautes de nature à engager sa responsabilité contractuelle.
Les faits de l’espèce sont en substance les suivants :
Par un contrat du 14 décembre 2004, la MAIF a conclu avec IBM un contrat d’intégration clé en main d’un progiciel de Grs (gestion de la relation clients) édité par la société Siebel.
IBM s’engageait, sur la base d’une obligation de résultat, à fournir une solution intégrée conforme au périmètre fonctionnel et technique contractuellement convenu entre les parties moyennant un calendrier impératif et un forfait de 7 302 822 €.
Au mois de septembre 2005, le projet accusant un retard de 6 mois, la MAIF adressait une lettre recommandé sollicitant d’IBM un dédommagement pour les retards accumulés ainsi qu’un plan d’action pour les arrêter.
IBM répondait à ce courrier en déniant toute responsabilité dans cette dérive.
Après discussion, les parties concluaient le 30 septembre 2005 un 1er protocole d’accord aux termes duquel elles reportaient au début de l’année 2007 le pilote initialement prévu en avril 2006 et convenaient d’un rehaussement du prix forfaitaire du projet.
Malgré la signature de ce 1er protocole, les parties ont constaté au mois de novembre 2005 que le projet n’était pas techniquement réalisable dans les conditions initialement envisagées, sauf à geler pendant 11 mois les projets adhérents de la Maif.
Face à cette situation, les parties ont alors convenu de la nécessité de refondre le projet et il a été demandé à la société IBM de proposer un scénario alternatif.
Le 22 décembre 2005, un 2nd protocole d’accord était conclu dans lequel les parties décidaient de refondre le projet.
Néanmoins, au mois d’avril 2006 un désaccord survenait entre les parties quant au paiement de jalons de facturation liés à des prestations non commandées.
Face à l’échec de la tentative de règlement amiable, la MAIF mettait en demeure IBM d’exécuter sous 30 jours ses obligations contractuelles dans les conditions et aux prix prévus dans le contrat du 14 décembre 2004 à défaut de quoi elle considérait le contrat résilié de plein droit.
C’est dans ce contexte que la MAIF assignait IBM le 12 septembre 2006 devant le Tribunal de Grande Instance de Niort en soutenant qu’IBM lui avait volontairement dissimulé le coût réel du projet pour obtenir son consentement et sollicitait la condamnation de cette dernière à lui payer une somme principale de 7 549 573 € HT.
Par jugement du 14 décembre 2009, le Tribunal faisait droit aux demandes de la MAIF et :
· prononçait l’annulation pour dol du contrat du 14 décembre 2004 et des protocoles des 30 septembre et 22 décembre 2005 ;
· ordonnait la restitution par IBM France de la somme de 1 677 102,30 € ;
· condamnait IBM à verser à la MAIF à titre de dommages et intérêts la somme de 9 529 974,79 €.
La Cour d’appel de Poitiers a infirmé ce jugement dans son arrêt du 25 novembre 2011 en jugeant qu’IBM n’a pas commis de dol :
« …qu’aucun dol par réticence n’est venu vicier le contrat du 14 décembre 2004, alors d’une part que la MAIF qui ne conteste pas disposer d’une division informatique très étoffée, n’ignorait pas compte tenu de l’échec du projet préalablement confié à la société Siebel en 2002 les difficultés et les risques associés au projet d’autant qu’il ressort du Codir du 7 juillet 2005 que "le plan projet réalisé en 2004 et annexé au contrat d’intégration IBM a été rédigé par IBM et revu par toutes les équipes MAIF (MDE, MOA, Pilotage)" de sorte que tant au §7 de l’article 6 "calendrier" qu’à l’article 21 "gestion des risques" il a été intégré notamment l’existence d’un risque de retard ou de difficultés imputables ou non à la MAIF. »
La Cour relève en outre que :
« …à supposer qu’il soit admis que la MAIF ignorait lors de la conclusion du contrat le risque relatif au non respect des délais prévus et à un complément de prix, en tout état de cause il découle de l’examen notamment du préambule du protocole régularisé le 30 septembre 2005, que c’est en connaissance des retards qui ont affecté les différents sous-projets, que la MAIF a accepté la redéfinition des charges, la modification du planning ainsi que le prix et les conditions y afférentes, et ce afin d’y remédier ;
Attendu qu’en redéfinissant le projet en connaissance du vice initial, qui affectait le contrat du 14 décembre 2004, et afin de le réparer la MAIF a nécessairement renoncé à se prévaloir de la possibilité d’en contester l’efficacité. »
S’agissant des fautes reprochées à IBM, la Cour a considéré « qu’à défaut d’avoir démontré compte tenu du contexte dans lequel les relations ont évolué l’existence de fautes d’une exceptionnelle gravité », la MAIF devait être déboutée de ses demandes indemnitaires.
Outre la restitution des sommes perçues en exécution du jugement de 1ère instance, qui était assorti de l’exécution provisoire, la MAIF a été condamnée à payer à BNP PARIBAS FACTOR, en sa qualité d’affactureur, la somme de 4 664 400 € TTC.