Droit du Numérique

Amalgame entre la toxicité de l’aluminium dans les emballages et les boîtes de conserves : YUCA condamnée pour dénigrement

20 Avril 2020, 11:51am

Publié par Nicolas Herzog

Par une ordonnance du 5 mars 2020, le Président du Tribunal de commerce de Versailles a condamné YUCA (https://yuka.io/) pour dénigrement considérant que celle-ci avait créé un amalgame entre la toxicité de l’aluminium et les boîtes de conserve.

 

Depuis le 23 octobre 2019, YACA rendait accessible sur son blog, accessible à l’adresse https://yuka.io.emballages-santé, un article intitulé « Halte aux emballages toxiques », écrit par « Julie de YUKA », donnant des informations sur les avantages et les inconvénients de l’ensemble des emballages alimentaires : verre, plastique, aluminium, carton.

 

La Fédération Française des Industries des Aliments Conservés (FIAC), qui a pour objet notamment la défense des intérêts généraux des fabricants de produits alimentaires conservés, en France et à l’étranger, considérait que cet article contenait de fausses allégations et des amalgames trompeurs entre l’aluminium et la conserve.

 

C’est dans ce contexte qu’elle a assigné le 24 janvier 2020 YUCA devant le Président du Tribunal de commerce de Versailles.

 

Pour s’opposer à la demande de la FIAC, YUCA soutenait tout d’abord que la situation d’urgence n’était pas caractérisée, pas plus que l’existence d’un différend et qu’il existait une contestation sérieuse faisant obstacle à ses demandes dans la mesure où le texte querellé à la date de l’assignation était déjà publié depuis plus de trois mois et que l’écoulement du temps contribuait à réduire l’audience du texte, l’article étant relégué en deuxième page du blog

 

Sur ce point, le Président a retenu qu’il y avait lieu à référé en jugeant que chaque jour qui passait accroissait le nombre de consommateurs qui prenaient connaissance de l’article litigieux et suivaient les conseils prodigués par YUCA, que le trouble illicite invoqué par la FIAC menaçait donc de s’accroître et que l’urgence était caractérisée.

 

La FIAC allégeait ensuite que les informations contenues dans l’article litigieux constituaient une pratique commerciale déloyale, qui était trompeuse vis à vis du consommateur au sens de l’article L.121-1 du code de la consommation.

 

En l’espèce le Président du Tribunal a jugé que l’article litigieux n’était pas une publicité proprement dite pour un ou des produits, mais une information générale sur les emballages alimentaires.

 

En conséquence, l’incrimination de publicité mensongère ne pouvait pas être retenue à propos d’une information générale, qui n’était pas directement faite à des fins commerciales pour la promotion des services rendues par YUCA.

 

La FIAC alléguait également que les termes contenus dans le blog incriminé constituaient un dénigrement de l’industrie de la conserve.

 

Pour s’opposer à la demande de la FIAC, YUCA soutenait que l’article publié sur son blog relevait de la liberté d’expression.

 

Sur ce point, si le Président du Tribunal convient que la liberté d’expression est un droit fondamental, il rappelle néanmoins que celle-ci doit être exercée dans le respect de certaines limites et sans abus.

 

Le Tribunal rappelle également que la Cour de cassation (Cass. Corn 9 janvier 2019 no 17-18350) définit le dénigrement comme suit :

 

« La divulgation, par l’une d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure. »

 

En l’espèce, la FIAC établissait que 80 % de la production des aliments en conserves était faite dans des boîtes en fer blanc et que les 20 % restants des boites de conserves en aluminium comportaient systématiquement toutes un revêtement protecteur à l’intérieur de la boîte.

 

En conséquence, le Tribunal a jugé que l’information donnée dans le blog alléguant d’une nocivité de l’aluminium dans l’alimentation et ses emballages en faisant un amalgame entre les conserves d’aliments emballées dans du fer blanc et celle emballées dans l’aluminium sans distinguer le type d’emballages dans lesquels ces conserves étaient vendues ne reposaient pas sur une analyse suffisante des types d’emballage utilisés par l’industrie de la conserve et que cela constituait donc un dénigrement des industriels des aliments en conserve.

 

Le Tribunal a jugé que ces actes de dénigrement constituaient un trouble manifestement illicite au sens de l’article 873 du Code de procédure civile et a ordonné la suppression, sous astreinte de 500 € par jour de retard et par infraction constatée, de l’amalgame effectué dans l’article du blog litigieux de YUCA entre la toxicité de l’aluminium dans les emballages et les boîtes de conserve.

 

Nicolas Herzog -  H2O Avocats

Avocat Informatique – Numérique – Logiciel – Internet