Droit du Numérique

Les hébergeurs soumis à une obligation de surveillance particulière

25 Mars 2008, 19:15pm

Publié par Nicolas Herzog


Dans un jugement du 20 février 2008
, le tribunal de commerce de Paris a condamné Google en qualité d’hébergeur pour ne pas avoir rendu impossible l’accès au film « Le monde selon Bush » après avoir été informée du caractère illicite de ce contenu, et ce alors même que le fichier était réapparu dans une zone de stockage différente.

 

L’article 6-1-2 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) dispose que la responsabilité civile de l’hébergeur ne peut être engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si l’hébergeur n’avait pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits ou circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où il en a eu cette connaissance, il a agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.

 

Selon le tribunal, l’hébergeur doit, après avoir été informé de l’existence d’un fichier illicite non seulement le retirer ou en rendre l’accès impossible, mais en outre assurer pas la suite une surveillance « particulière » de son site :

 

« …si l’hébergeur n’est pas tenu à une obligation de surveillance générale, il est tenu à une obligation de surveillance, en quelque sorte particulière, à partir du moment où il a eu connaissance du caractère illicite du contenu ».

 

En l’espèce, Google avait été informée le 6 octobre 2007 du caractère illicite de la diffusion du film « Le monde selon Bush sur son site » et avait agi promptement pour retirer le lien litigieux.

 

Mais, il s’est avéré qu’après cette date le contenu litigieux a été posté à nouveau sur le site Google Vidéo dans une autre zone de stockage.

 

C’est sur ce dernier point que le tribunal a jugé Google fautive en considérant qu’après avoir été informée de l’existence du contenu illicite, il lui appartenait de rendre l’accès au film impossible quelqu’en soit l’origine et l’emplacement de stockage sur son site :

 

« …qu’à compter de cette date il leur appartenait aussi de rendre l’accès au Film impossible, ce qui à l’évidence n’a pas été réalisé et a porté atteinte aux droits des tiers, qu’elle ne peuvent pour les faits constatés postérieurement au 10 octobre 2006 se rapportant à la diffusion du même contenu se prévaloir de la responsabilité limitée… ».

 

Ce faisant, le tribunal opère une interprétation extensive de l’article 6-1-2 de la LCEN en considérant que l’hébergeur doit non seulement agir promptement pour retirer les données litigieuses dès le moment où il en a eu connaissance, mais par la suite effectuer aussi une surveillance particulière de son site pour rendre l’accès au fichier litigieux impossible quelqu’en soit l’origine et la zone de stockage pour ne pas voir sa responsabilité engagée.

 

En l’espèce, le tribunal a considéré que la responsabilité de Google était engagée pour les faits postérieurs au 10 octobre 2006.

 

Il a en conséquence jugé que Google s’était rendu coupable de contrefaçon et l’a condamnée à verser la somme de 150 000 € aux ayants droit du film « le monde selon Bush » à titre de dommages et intérêts.

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