La responsabilité de Google (Adwords) renvoyée devant le CJCE
Dans un arrêt du 20 mai 2008 (Affaire Google / Vuitton), la Cour
de cassation a posé une série de questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes de nature à mettre un terme au débat sur la nature de la responsabilité qui pèse sur
Google dans le cadre de son activité de régie publicitaire (Adwords).
Rappelons que dans les affaires dites des « liens commerciaux » les faits reprochés à Google sont en substance toujours les mêmes.
Google propose en effet aux annonceurs un service dénommé Adwords leur permettant, moyennant la réservation de mots-clefs, de faire apparaître, sous la rubrique liens commerciaux, un lien hypertexte pointant vers leur site en cas de concordance entre les mots-clefs réservés et ceux renseignés par l’internaute dans le moteur de recherche.
Cette activité de régie publicitaire de Google a donné lieu à de nombreuses procédures judiciaires engagées par des titulaires de marques qui reprochaient à Google de proposer aux annonceurs des mots-clefs reproduisant ou imitant leur marque pour afficher des liens pointant vers des sites offrant des produits contrefaisants.
Le débat principal dans ces affaires porte sur la nature de la responsabilité de Google.
Est-elle susceptible d'être engagée sur le fondement de la contrefaçon de marque ou sur celle de la responsabilité civile quasi-délictuelle de droit commun (article 1382 du code civil) ?
Google peut-elle bénéficier du régime de responsabilité des hébergeurs de l’article 6.I.2 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) ?
Il existait pendant un temps une contradiction entre la jurisprudence du tribunal de grande instance de Paris (Affaires « Vuitton », « Kertel », « Gifam »), qui considérait que la responsabilité de Google était engagée sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun, et celle du tribunal de grande instance de Nanterre (Affaires « Bourses des vols », « Méridien », « Eurochallenges »), qui considérait que la responsabilité de Google était engagée sur le fondement de la contrefaçon de marque.
Les décisions récentes tendent quant à elles à considérer que la responsabilité de Google est engagée sur le fondement de la contrefaçon de marque (Affaires « TWD », « Rentabiliweb », « Citadines »).
Un décision de la cour de cassation était attendue pour qu’un terme soit mis à ce débat.
Mais la Cour de cassation ne l’a pas tranché dans son arrêt du 20 mai 2008, préférant le renvoyer à un échelon supérieur, devant le Cour de justice des Communautés européennes, en lui posant les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les articles 5, paragraphe 1, sous a) et b) de la première Directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques et 9, paragraphe 1, sous a) et b) du Règlement (CE) n°40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire doivent-ils être interprétés en ce sens que le prestataire de services de référencement payant qui met à la disposition des annonceurs des mots clés reproduisant ou imitant des marques déposées, et organise par le contrat de référencement la création et l’affichage privilégié à partir de ces mots clefs, de liens promotionnels vers des sites sur lesquels sont proposés des produits contrefaisants, fait un usage de ces marques que son titulaire est habilité à interdire ?
2) Dans l’hypothèse où les marques sont des marques renommées, le titulaire pourrait-il s’opposer à un tel usage, sur le fondement de l’article 5, paragraphe 2 de la directive, et de l’article 9, paragraphe 1, sous c) du règlement ?
3) Dans l’hypothèse où un tel usage ne constituerait pas un usage susceptible d’être interdit par le titulaire de la marque, en application de la directive et du règlement, le prestataire de service de référencement payant pourrait-il être considéré comme fournissant un service de la société de l’information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, au sens de l’article 14 de la Directive 2000/31 du 8 juin 2000, de sorte que sa responsabilité ne pourrait être recherchée avant qu’il ait été informé par le titulaire de marque que l’usage illicite du signe par l’annonceur ? »
A suivre donc avec beaucoup d’attention…