Incertitude sur la nature juridique de l'adresse IP
Dans un jugement du 6 septembre 2007[1], le tribunal de grande instance de Saint Brieuc a considéré que l’adresse IP était une donnée
indirectement nominative au sens de l’article 2 alinéa 2 de la loi du 6 janvier 1978, entraînant de ce fait l’obligation pour les sociétés d’auteurs d’obtenir l’autorisation de la CNIL (Article
25 de la LCEN du 22 juin 2004) avant de procéder à un traitement de données personnelles dans le cadre de la recherche d’infraction (Article 9 3° de la loi du 6 janvier
1978).
Ce jugement a statué très exactement à l’inverse d’un arrêt de la cour d’appel de paris du 15 mai
2007[2] qui a considéré que l’adresse IP n’était pas une
donnée (indirectement) nominative, excluant ainsi l’application de l’article 25 de LCEN.
Il existe donc à ce jour une incertitude sur la nature juridique de l’adresse IP, et sur son corollaire, la nécessité pour les
sociétés d’auteurs d’obtenir l’autorisation de la CNIL avant de procéder à des traitements de données pour faire constater et poursuivre des infractions au droit d’auteur sur des plateformes de
téléchargement P2P.
Dans son jugement du 6 septembre 2007, le tribunal rappelle les dispositions de l’article 2 alinéa 2 de la loi du 6 janvier
1978 :
« Constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être
identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. Pour déterminer si une personne est identifiable, il
convient de considérer l’ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou toute autre
personne. »
En l’espèce le tribunal constate que :
-
le contrefacteur « été identifié, et donc son nom révélé grâce à l’adresse IP et au nom du fournisseur d’accès (FAI), toutes informations recueillies par l’agent assermenté lors de ses sessions sur internet. » ;
-
« ce sont les enquêteurs de la section de recherche de la gendarmerie, officiers de police judiciaire, qui ont requis Wanadoo, le fournisseur d’accès, de leur donner l’identité de l’utilisateur de l’adresse IP que leur avait fourni le procès verbal de l’agent assermenté. » ;
-
« l’adresse IP, est, au sens strict, un identifiant d’une machine lorsque celle-ci se connecte sur l’internet et non d’une personne. Mais au même titre qu’un numéro de téléphone n’est, au sens strict, que celui d’une ligne déterminée mais pour laquelle un abonnement a été souscrit par une personne déterminée, un numéro IP associé à un fournisseur d’accès correspond nécessairement à la connexion d’un ordinateur pour lequel une personne déterminée a souscrit un abonnement auprès de ce fournisseur d’accès. L’adresse IP de la connexion associée au fournisseur d’accès constituent un ensemble de moyens permettant de connaître le nom de l’utilisateur. ».
Le tribunal en conclut que l’adresse IP recueillie par l’agent assermenté de la SACEM et de la SDRM constituait une donnée à caractère
personnel ayant indirectement permis l’identification du contrefacteur par « les officiers de police judiciaire qui n’ont eu qu’à contacter le fournisseur d’accès Wanadoo pour avoir son
identité ».
Dès lors, le tribunal considère qu’il appartenait aux sociétés d’auteurs SACEM et SDRM d’obtenir l’autorisation de la CNIL avant de
mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel relatives à des infractions au code de la propriété intellectuelle, et ce conformément à l’article 25 de la
LCEN.
Le tribunal de Saint Brieuc dans son jugement du 6 septembre 2007 a constaté que l’agent assermenté avait procédé, pour dresser son
procès-verbal, à des traitements automatisés de données à caractère personnel sans qu’une autorisation préalable de la CNIL ait été obtenue.
Le tribunal a en conséquence prononcé la nullité du procès-verbal, et par voie de conséquence la nullité de l’entière
procédure.
Ainsi à ce jour, la question de la nature juridique de l’adresse IP reste entière.
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